
Le pain
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Le foie gras
novembre 5, 2025Quel étrange ingrédient que nous utilisons souvent dans notre gastronomie sans pour cela savoir qui il est vraiment ?!
On lui prête toutes sortes de réputations au fil des siècles, selon les époques mais aussi selon son propre statut social qui n’est pas forcément toujours identique ; cela se saurait !
Parfois divin, parfois vaurien, le beurre a traversé les siècles depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours pour faire partie intégrante de notre culture gastronomique nuancée malgré tout, de terroir.
Je vous propose de faire la connaissance de produit fabuleux que l’on rencontre parfois au hasard d’une étourderie culinaire comme par exemple en fouettant trop la crème ou parfois en cuisant trop chaud une sauce au beurre bien onctueuse et liée qui par caprice se met à réapparaitre dans une sauce devenue alors disgracieuse.
Sans vouloir faire de l’uchronie, imaginez la face du monde si le beurre n’avait pas été « inventé » ou trouvé au hasard d’une erreur ou d’une question…
Il y aurait l’huile me direz-vous, mais que serait-ce notre gastronomie sans ce produit magique, qui chante si juste en moussant dans une poêle dans l’attente d’une tombée d’échalote ou d’une poignée de champignons de saison ? Sentir ses arômes subtils qui enlacent doucement nos sens olfactifs affolés et nous emporter dans un bonheur incommensurable !
Si l’on regarde par-dessus notre épaule on réalise assez facilement que le beurre est le résultat d’un battement de crème. Est-ce que l’Homme n’aurait pas réalisé que cette graisse se conservait plus longtemps que la crème fraîche et dans des conditions plus faciles ?
C’est très certainement ainsi que le beurre entra, certes par la petite porte de notre histoire culinaire, mais fit son entrée pour des raisons de conservation ; rappelons-nous que notre patrimoine gastronomique est construit sur deux grand principes : la digestion et la conservation des aliments.
« Le beurre et l’argent du beurre »…
Tout le monde connait cette expression bien connue qui signifie un sentiment d’insatiabilité mais pourquoi le beurre ?
Pour ne pas ne parle-t-on pas de bois ou de farine ? Le beurre aurait-il une réputation de réussite et de richesse ?
Depuis toujours je suis animé d’une soif intarissable de réponses à ce genre de question comme pourquoi certains couteaux ont le bout rond et d’autres pointu ?
Je vous propose de faire un retour en arrière, quelques instants et découvrir quand ce produit est apparu dans notre alimentation.
Le beurre est apparu en même temps que la sédentarisation de l’humain. Développant l’agriculture, ce dernier commence aussi l’élevage et donc tire aussi partie des produits d’origine animale tel que le lait.
La plus ancienne trace de production de beurre serait attestée par la trouvaille d’un moule à beurre vieux de 5’000 ans et retrouvé en Irlande. Un peu plus récemment, on trouve sa première trace gravée sur de la pierre de l’époque sumérienne 2’500 ans avant JC. Celle-ci semble démontrée que le beurre était obtenu par du lait que l’on plaçait dans une jarre et que l’on faisait rouler. Ensuite ces artisans du passé, commencent à baratter la crème du lait vers 1’500 avant JC.
Pendant l’Antiquité, le beurre, subit les humeurs des civilisations en place à cette époque comme les romains qui ne l’apprécient guère. Est-ce le fait que le beurre peut devenir rance et sentir mauvais ou est-ce le fait que ce produit soit obtenu comme un résidu d’un produit d’origine animale issus d’une mamelle nourricière pour un animal ?
Peut-être que, comme les grecs, les romains considéraient que le beurre n’était qu’un produit pour barbares sans raffinement ou alors éventuellement un produit de beauté.
Le beurre reste donc un produit peu apprécié au profit de l’huile qui restera sa principale rivale ou encore le saindoux, produit issu de la graisse de porc.
Cette situation va perdurer jusqu’au début du Siècle des Lumières. De nombreuses guerres ainsi que des périodes plus froides, affaiblissent le peuple, qui se tourne de plus en plus vers le beurre, moins cher à produire et peut-être moins taxé selon les régions. C’est ainsi que le beurre commence, peu à peu, à acquérir ses lettres de noblesse dans la gastronomie française et se forger une réputation créditée par de nombreux ouvrages de cuisine qui vont apparaitre plus tard comme ceux écrits par Marie Antoine Carême, grand chef de cuisine de Talleyrand, surnommé le Cuisinier des rois par sa grande expérience auprès des tables royales.
D’autres chefs continueront les hommages, comme Catu, Drouhat, Dunant, Montmirel ou Jules Gouffé par exemple qui, en 1874, propose « Le livre de cuisine » où le beurre est présent. Le brochet à la Chambord recommande d’utiliser du papier beurré et d’autres de faire briller les sauces ou lier celles-ci par un savant mélange de beurre et de farine proposant ainsi un roux blond ou brun ou même aussi un beurre manié.
Cette technique allège considérablement les sauces liées ainsi et ne plus utiliser la chapelure pour liant et obtenir, cerise sur le gâteau, une sauce brillante et onctueuse !
En 1866, Napoléon III, lance un concours pour trouver un succédané végétal au beurre victime de sa popularité et donc de son prix. C’est un pharmacien, nommé Hyppolite Mège-Mouriès qui inventa la margarine (du grec « Margaron, qui signifie « perle blanche » suivit de glycérine), sorte de graisse végétale obtenue à partir d’huile hydrogénée. Ce produit restera, pour les amateurs avertis, un pâle cousin du beurre malgré le fait d’une meilleure conservation.
Un peu comme le dollar, le beurre reste encore de nos jours un indicateur du coût de la vie, son prix augmentant invariablement à chaque crise sociale et financière.
Les problèmes climatiques actuels et la sensibilisation de la société, ne risquent-ils pas mettre en avant un problème écologique avec le beurre sachant qu’il faut 20 litres de lait pour faire un kg de beurre ? Production de lait qui créé une quantité non négligeable de gaz à effet de serre.
Tantôt pâle ou tantôt jaune, le beurre doit ses variations de couleur à l’origine de la race certes, mais surtout à la nourriture de la vache qui produit le lait.
Ses aromes sont aussi influencés par la nourriture mais aussi par les 2 jours de repos laissés à la crème pour les développer.
Cette crème est ensuite centrifugée ou battue pour en extraire sa graisse appelée beurre. Reste alors ce fameux babeurre utilisé pour d’autre application comme une boisson fermentée très célèbre en Suisse !
Il est ensuite conditionné en réfrigération ou en surgélation et depuis fort longtemps salé depuis toujours.
C’est à ce moment qu’intervient toute la sensibilité du gastronome et donc du chef de cuisine. Contenant 82% de matière grasse, le beurre peut être clarifié. Cette opération consiste à faire fondre le beurre, séparant ainsi la graisse pure (beurre clarifié) du babeurre restant.
La proportion de graisse a toute son importance, car si la loi exige un minimum de graisse, elle n’interdit pas un beurre plus gras que la norme et cela a une incidence certaine sur le goût.
C’est ainsi qu’en France, certaines fromagerie ou laiterie proposent des beurres plus gras, donc plus goûtus, plus chers mais tellement appréciés des grandes tables françaises !
Les chefs se transcendent en virtuoses pour faire mousser le beurre avant d’y ajouter quelques champignons ou garniture de légumes de saison délicatement coupés.
Ils clarifient le beurre, pour faire des cuissons plus chaudes ou nous préparer un sabayon, une sauce hollandaise ou béarnaise obtenue à partir d’une réduction acidulée tempérée dans laquelle on ajoute un jaune d’œuf bien frais. Vient ensuite le tour de main du chef de cuisine qui, d’un geste sûr et régulier, va fouetter délicatement, à la chaleur de la main, une émulsion délicate qui accompagnera ensuite, un bon morceau de viande grillée !
Ou encore un beurre blanc, qui ressemble à sa proche cousine qu’est la hollandaise mais plus simple à réaliser avec un beurre entier et donc pas clarifié.
Que dire aussi de ces chefs intrépides, voir inconscients, qui réalisent ce produit addictif qu’est le caramel au beurre salé ! Pensez donc, réaliser ce péché mignon pour l’épicurien qui réunit deux produits que tout semble opposer : un caramel très chaud et du beurre qui ne supporte pas les températures élevées. N’est-ce pas de l’art que de réaliser cela ?
Ah, ce beurre ! Quel produit magique sans qui la pâtisserie serait l’ombre d’elle-même avec toute sa rondeur en bouche.
Ah, ce beurre ! Produit vedette semblable aux plus grands acteurs et les inspirer. Même le 7ème art on retrouve le beurre, magnifié par Fernandel et Bourvil dans « La cuisine au beurre ».
Je laisserai la conclusion de ce texte au grand Fernand Point, premier chef de cuisine à obtenir les fameuses 3 étoiles Michelin en 1933 et qui disait toujours sa fameuse tirade :
« Du beurre, donnez-moi du beurre ! Toujours du beurre ! »
Philippe Ligron


