
Le beurre
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Saint Fortunat
novembre 28, 2025Ficus ou figatum des chevaliers Cathares ?
J’ai longtemps hésité avant d’écrire ces quelques lignes…
Même ce titre étrange semble vouloir brouiller les pistes. Peut-être car le thème de ce texte que vous parcourez à présent devient tabou, dérange et me perturbe, moi l’épicurien narrateur dont les doigts dansent en ce moment sur mon clavier…
Sujet grave au jour d’aujourd’hui dans notre société moderne où des prises de conscience nous font nous poser des questions sur la condition des animaux… Car oui, vous l’avez compris, ce sont les fêtes de fin d’année qui approchent, avec tout ce que notre gastronomie peut nous proposer dans sa générosité, pas toujours équitable pour nous autres suivant la table autour de laquelle nous sommes assis avec ses proches ou…
Seul…
Lors de ces repas festifs, très souvent les traditions séculaires reviennent à nous comme pour nous rappeler que ces moments sont précieux ; exceptionnels.
Le temps est venu alors, de couvrir une table garnie d’épices de Noël avec la nappe immaculée et parsemée de gros sel, pour éloigner le diable qui, parait-il, mange ses plats sans sel.
Parmi tous ces mets de choix offerts à l’assemblée il y en a un, succulent parmi les succulents… Ce mets qui est l’objet de toutes les frictions et attentions n’est autre que le foie gras.
Je ne vais pas développer dans cet article l’horreur ou pas de sa fabrication…
Je voudrais juste vous raconter son histoire tellement rocambolesque et qui l’a certainement fait prendre ses racines dans le Sud Ouest de la France, en Hongrie ou en Israël. Mais pourquoi cela ?
Alors, posons nos armes, le temps de ce texte pour comprendre par l’Histoire, comment une préparation culinaire aussi particulière est arrivée jusqu’à nous.
Ce n’est pas aux Français que nous devons cet encombrant héritage culinaire mais à une civilisation très ancienne… L’Egypte antique.
En effet, dans l’Antiquité, il y a donc fort longtemps, les Egyptiens avaient remarqué que certains palmidés migrateurs se gavaient au moment de la migration des équinoxes. Sachant leur plus vif intérêt pour ce changement de saison qui frôlait la dévotion, ils comprirent très rapidement que le foie de ces animaux était très gras et donc savoureux à cette période. Ils en firent donc une délicatesse gastronomique dont Pharaon en était parait-il très friant. Cet intérêt se répandit très rapidement dans la noblesse égyptienne au point que la technique de gavage vit son apparition. Le début de cela se perd dans l’Histoire mais on trouve des hiéroglyphes sur les tombes de Saqqara où des oies et des canards sont démontrés explicitement mais pas que…
Il semble qu’ils gavaient également des hérons et des hyènes… Je n’ose pas imaginer le goût…
Le gavage se serait certainement perdu au fil des siècles mais c’était sans compter sur les différentes communautés juives qui vivaient en Egypte. Ces communautés respectaient les nombreux interdits alimentaires de leur religion et la graisse de canard leur était donc précieuse.
Les communautés juives prirent donc à leur compte le gavage avec succès et affinèrent la technique au point d’en faire un savoir-faire. Ils gavaient généralement les animaux avec les fameuses dattes égyptiennes très réputées sur tout le pourtour méditerranéen à cette époque.
Lorsque ces communautés durent quitter l’Egypte pour trouver refuge dans la Rome Antique, elles prirent l’habitude de gaver ces animaux non plus avec ces dattes égyptiennes qui étaient onéreuses mais avec des figues. Cette technique était tellement répandue que les mots « figue » et « foie » ont la même étymologie latine: ficus, figatum.
Voilà peut-être la raison pour laquelle les terrines de foie gras sont souvent proposées avec des figues à l’intérieur et non pas des pommes ou des cerises !
Cette incroyable histoire s’arrêterait là si ces communautés ne durent pas une nouvelle fois, partir trouver refuge dans les pays de l’est de l’Europe, En Alsace où la foi protestante accueillait également ces communautés, d’ailleurs Lunel, ville de Camargue a été fondée par une communauté juive, mais surtout…
Dans cette région du Sud-ouest de la France, dans le Comté de Toulouse où, au Moyen Age, vivaient les Cathares, mouvance religieuse en lutte contre l’orthodoxie de la chrétienté romaine.
Cette situation débouchera, au début du XIIIe siècle, sur la fameuse croisade en albigeois qui a sonné le glas de l’indépendance de cette région et annoncé le prochain rattachement au Royaume de France…
Ces chevaliers cathares étaient de redoutables combattants, certainement portés par leur foi, mais très tolérants avec les religions autres que la leur et avec qui ils pouvaient faire commerce ; de nombreux musulmans mais aussi ces communautés juives qui purent ainsi perpétuer leurs traditions culinaires dont le foie gras.
Voilà peut-être le lien entre le Sud-Ouest de la France et l’Egypte Antique !
Merci vous, Raymond VI de Toulouse, Raimond-Roger Trencavel, Roger de Carcassonne, l’évêque d’Albi, Gaston Phébus de Foix, Guilhem Bélibaste… Merci d’avoir bercé mon enfanceet…
Joyeux Noël à tous,
Philippe Ligron


