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septembre 17, 2025De la préhistoire à l’Antiquité
C’est à l’âge de l’Homo Erectus que l’homme s’est naturellement et progressivement tourné vers la chasse ; cependant nous aurions tort de croire que sa motivation unique était de se nourrir. Imaginez que la nature pourvoyait déjà grandement aux besoins essentiels de l’Homme en offrant des baies, des fruits et des légumes en abondance. Alors pourquoi cet attrait pour la chasse ? Pourquoi courir après ces animaux sauvages et dangereux ?
La vie de l’homme a toujours été accompagnée de spiritualité, de croyances et de superstitions. Il n’en faut pas plus à celui-ci pour sacraliser cette nourriture qui demande patience, ingéniosité et prudence. Le départ à la chasse était planifié, les oracles consultés, et c’est en groupe que les décisions étaient prises garantissant plus aisément la réussite du projet. L’homme devint alors acteur d’un rite sacré initiatique lui permettant d’approcher les dieux.
Ces techniques étaient plus évoluées que l’on pourrait le supposer. La chasse se déroulait selon trois principes : le combat direct, la battue (lorsque l’animal était précipité vers des falaises abruptes) et les pièges artificiels. Flirtant avec la chance et l’expérience, la chasse prit alors progressivement cette dimension divine qui ne la quittera plus : manger la viande d’un animal fort et courageux était un moyen sûr et sublime de s’approprier ces facultés nécessaires au savoir du chasseur et au prestige des chefs, des seigneurs et des rois.
De l’Antiquité au Moyen-Âge
Les valeurs mystiques de la chasse ont perduré dans l’Antiquité. En effet, Artemis (déesse grecque de la nature sauvage et de la chasse), Diane (première vierge blanche devenue déesse de la chasse dans la mythologie romaine), puis plus tard Abnoba chez les Celtes ont officialisé le caractère sacré de la chasse. Les empereurs de l’Antiquité usèrent de ce droit divin, et symbolisaient ainsi la main nourricière et le bras protecteur sur son peuple.
Après la chute de l’Empire Romain d’Occident (5e siècle) et le déclin de l’Empire Byzantin le côté mystique et superstitieux de la chasse a laissé vraisemblablement place à la notion de richesse et de puissance. Après de très nombreuses vagues d’assauts successives de hordes barbares, nous ne pouvons que trouver des bribes de réponses dans les fouilles archéologiques pour découvrir que la chasse faisait aussi partie de leur quotidien. C’est également à cette période que débuta la domestication de certains gibiers, ce qui accentuera cette tendance.
Le gibier et la table
Au 12e siècle, période moyen-âgeuse, les moines Cisterciens apportent leurs principes de bonnes mœurs à table. Ils ordonnancent les repas selon cinq services (composés chacun de cinq à plus de vingt préparations différentes) et ont, en quelque sorte, hiérarchisé les viandes selon leur place dans la nature ; nature créée par le divin. C’est ainsi qu’au gibier volant fût attribué une place de choix dans le prestige que l’on vouait à la viande, et donc à la chasse, car ce gibier, animal vivant dans le ciel, était plus proche de Dieu.
Les perdreaux, cailles, faisans, oies sauvages annonçaient l’arrivée de « l’œuvre » du repas. Un cygne ou un paon dont le plumage était présenté majestueusement donnait l’impression, lors de sa présentation aux convives, que l’oiseau allait s’envoler pour rejoindre le ciel et donc le divin.
Quant aux gibiers à quatre pattes, les cervidés sauvages (cerfs, chevreuils…) étaient préférés symbolisant la force et la grandeur du domaine du maître de maison. C’est ainsi qu’un ragondin ou un castor n’avaient que peu de chance de trouver une place au sein du prestige d’un noble !
Les nobles remettent au goût du jour cet intérêt pour la viande de chasse, avec ses superstitions et les propriétés divines d’un Dieu. Un Dieu unique certes mais profondément ancré dans cette nouvelle gastronomie qui va fonder les piliers de notre gastronomie moderne. Ces nobles n’hésitant pas à se mettre au service du maître de maison pour finir de théâtraliser le cérémonial de la préparation, prennent ainsi la distinction de grand Escuyerde cuisine.
Mais laissons là le Moyen Age et la Renaissance (1300 – 1600) et concentrons-nous sur le XVIIe siècle et sur Louis XIV (1638-1715). Sa passion pour la gastronomie et la chasse finit de réserver cette viande chargée de symboles à l’Elite et à l’aristocratie. Si, à l’exception, une personne qui n’était pas noble fut invitée à une partie de chasse, elle put considérer d’être élue des dieux !
La démocratisation de la chasse
A la fin du siècle dit des Lumières, et se ses fameux dîners littéraires qui alimentaient les nouveaux courants philosophiques, la Révolution mît fin aux privilèges des nobles, dont la chasse faisait partie. Celle-ci se démocratise et la bourgeoise s’en empare.
L’importance de l’attrait pour la chasse conduira à sa réglementation. On va progressivement quitter cet esprit de devoir aristocratique, d’étiquette et de privilège pour découvrir un milieu convivial nourrit de passion cynégétique. Autour du gibier le contremaitre du domaine laissera sa place au garde champêtre, représentant légal. La chasse se mélangera un peu plus encore avec la gastronomie et ne la quittera plus.
La littérature va ainsi devoir s’adapter à cette nouvelle situation car quand les écrits passés se voulaient structurés et techniques, la littérature moderne se voudra accessible et surtout gastronomique. Ces courants de pensée seront renforcés par des gastronomes célèbres tels qu’Alexandre Dumas ou Jean-Anthelme Brillat-Savarin. Ceci motivera les amateurs de gastronomie et de chasse à découvrir de nouveaux produits, et à parcourir les régions d’Europe à la découverte de ceux-ci.
La révolution industrielle, les nouveaux moyens de locomotion, les principes modernes de conservation, les critiques gastronomiques tels que Curnonsky, le guide Michelin, poussent les consommateurs urbains à devenir voyageurs, amateurs et connaisseurs de ces produits de terroir.De grands chefs de cuisine tels que Carême, Gouffé, Dubois, Bernard et plus tard, Auguste Escoffier parachèveront ce tableau de chasse en officialisant ces produits hors du commun dans leurs recettes de cuisine. C’est ainsi que la chasse officialisera sa présence dans la gastronomie française et restera un moment privilégié pour les gastronomes avertis. Produit mythique qui sera encore longtemps le moyen unique de tutoyer les Dieux.
Philippe Ligron


